DISPARITION DU SOCIOLOGUE URBANISTE LE PR RACHID SIDI BOUMEDINE  L’Adieu au… Comedor

«L’homme encyclopédie», comme le désignent affectueusement ses amis et condisciples, n’est plus. Décédé, lundi soir, à l’hôpital de Kouba, après son admission suite à un malaise, le sociologue urbaniste, monstre sacré et référence incontestable dans la discipline, engagé et prolifique, a marqué des générations d’étudiants et de «fous de la ville». La ville algérienne, d’abord et au-delà, les villes maghrébines.  L’homme est intarissable : «Le sociologue va voir des choses que les autres ne voient pas. C’est son métier», disait-il (lire entretien El Moudjahid du 14-01-2022). Amoureux de la ville, sociologue au chevet des siens, naturellement en immersion et constamment en interaction avec sa «société réelle», il commettra plus d’un ouvrage utile à la compréhension des phénomènes structurants de cette Algérie en sempiternel bouleversement et qu’il chérissait à la muse, apprenant à l’aimer jusqu’au sublime indigo du Zelig à qui il consacrera un livre prenant (Céramiques d’Alger).  L’étude des phénomènes urbains, il en a fait son dada, poussant, au paroxysme, l’inventaire des détails futils mais subliminaux. «Il était très attentif aux épiphénomènes et aux pratiques à la mode des Algériens dans la construction de leur logis», témoignent l’architecte Achour Mihoubi. «L’Algérien et la façade, par exemple, constituait pour lui un sujet de recherche», tant les formes et les matériaux utilisés sont révélateurs de l’être collectif. Combinant une longue expérience de praticien de la ville et de chercheur, Sidi Boumedine a occupé nombre de fonctions dans des organismes publics (DG d’Urbanis en 1997), et privé, dirigeant même des usines, au lendemain de l’indépendance.  Son nom, toutefois, restera intimement lié au Comedor, le fameux Comité permanent d’étude, de développement, d’organisation et d’aménagement de l’agglomération d’Alger (COMEDOR), organisme créé en 1968, par le président Boumediene, pour penser la ville et en faire un instrument moderne de politique de l’habitat post indépendance.  Dans «Le COMEDOR : une aventure humaine et intellectuelle», l’architecte exulte, déploie son art et son expérience féconde : «Ce document (Comedor, ndlr) est aujourd’hui dans les archives nationales et il faut qu’il soit accessible», plaidait-il. «Notre travail à l’époque nous a menés à faire des réflexions sérieuses sur l’habitat, les équipements, sur la manière de penser la ville et sur la manière de trouver des solutions. Ce travail était valable à l’époque et il reste valable aujourd’hui, car c’est une réflexion de fond sur l’urbanisme (El Moudjahid)».  D’autres ouvrages agrémenteront son éclectique bibliographie : «L’urbain dans le monde arabe», Raconte-moi ta ville : essai sur l’appropriation culturelle de la ville d’Alger ; La recherche urbaine en Algérie : un état de la question, Bétonvilles contre bidonvilles. Cent ans de bidonvilles à Alger… jusqu’aux très étanchant : Aux sources du hirak, publié, cette année. Dans un livre- mémoire, commis en 2013 intitulé : Yaouled ! Parcours d’un indigène, il se raconte, sans fard, dévoilant son enfance, à Clos-Salambier, les codes et l’esthétique de son quartier de naissance, la faim, la misère, l’émigration, le racisme couplé au travail harassant à la chaîne dans les usines de l’hexagone, etc. «Finalement, toute mon expérience n’est, au mieux, qu’un dépôt de brocante, dont on pourrait, à la rigueur, tirer quelque chose pour qui aime les vieilleries, les choses passées, les choses sans utilisation», écrit, non l’ironie de l’écorché-vif, le professeur.  Le walid d’El Madania, ex-Clos- Salambier, sa houma (quartier) populaire des hauteurs d’Alger dont il s’enivrera, goulûment, revendique sa part d’épicurien. «Je ne suis pas une séquelle du passé ! Je ne suis pas le résultat d’une existence, difficile parfois, agréable moins souvent, qui aura laissé ses marques sur ma manière d’être ou de vivre. Je revendique, haut et fort, à mon âge, la joie de vivre, la créativité et le refus de céder devant le pessimisme et le sentiment de l’impuissance ; je veux continuer à faire et à me projeter dans l’avenir, si court doit-il être.»