Culture

La claque théâtrale de la Compagnie Soleil de Guinée au TNA

La Compagnie Soleil de Guinée a bouleversé le public, au TNA, avec un drame intime sur le savoir et la filiation. Une véritable claque théâtrale.Le Théâtre national algérien Mahieddine Bachtarzi a accueilli, mercredi dernier, la Compagnie Soleil de Guinée pour une représentation sobre et émouvante de sa pièce «Juste savoir». La création interroge la transmission du savoir, les attentes familiales et le poids des ambitions sociales dans une société en mutation.

Le poids des mots, le choc des visions

Sur scène, 2 comédiens, 2 générations, 2 visions du monde: Jambi Avoudi, dans le rôle du père, incarne la voix de l’expérience, du devoir et de la désillusion, et Ahmed Lotfi, dans le rôle du fils, représente la fougue, la soif d’apprendre et le rêve d’une vie meilleure. Le premier retrouve le second, après 25 ans de solitude et d’abandon.Entre eux, une table, une chaise, quelques livres : c’est tout l’univers de «Juste savoir», une pièce intimiste où les mots pèsent plus lourds que les décors. Écrite dans une langue sobre, presque dépouillée, la pièce se construit sur le dialogue tendu entre un père désabusé et un fils qui croit encore aux promesses de l’éducation. L’un voit dans le savoir un luxe inutile dans un monde dominé par la débrouille ; l’autre, au contraire, le considère comme une clé de dignité et d’émancipation. Ce face-à-face intense devient alors une métaphore de la fracture sociale et générationnelle qui traverse les sociétés africaines contemporaines. Sous la direction scénographique de Djamounou Béavogui, le spectacle adopte une esthétique minimaliste : des jeux de clair-obscur marquent les transitions, traduisant les émotions sans jamais les surligner. Chaque éclairage semble peser le poids du silence, comme une respiration entre deux vérités.La prestation de Jambi Avoudi se distingue par sa retenue. Dans son jeu, on sent la lassitude d’un homme qui a trop vu, trop espéré. Son regard, souvent perdu dans le vide, traduit mieux que les mots l’épuisement d’une génération qui se demande à quoi a servi le savoir si le monde demeure injuste. Face à lui, Ahmed Lotfi incarne l’insolence du rêve : un fils qui ne veut pas renoncer, même si tout l’y pousse. Ensemble, ils forment un duo tendu, vibrant, dont chaque réplique semble jaillir d’une blessure ancienne.

Une résonance universelle

À l’issue de la représentation, un débat s’est tenu sur la scène du TNA, réunissant les comédiens, la scénographe et un public visiblement touché par la profondeur du propos. Plusieurs spectateurs ont salué «la force du texte» et «l’humanité des personnages», estimant que la pièce résonne avec les réalités vécues dans de nombreuses familles africaines : le dilemme entre l’éducation et la survie, entre l’espoir et la résignation. Une spectatrice, enseignante à l’Université d’Alger, a déclaré :«Ce père et ce fils, c’est toute l’Afrique qui se regarde dans un miroir. Le savoir reste une promesse, mais aussi un combat». D’autres intervenants ont souligné le caractère universel du conflit qui dépasse le cadre africain pour toucher à la relation humaine la plus fondamentale : celle du parent et de l’enfant.Avec «Juste savoir», la Compagnie Soleil de Guinée confirme sa capacité à livrer un théâtre d’engagement sans tomber dans le didactisme. Le texte ne donne pas de leçons : il ouvre des questions. Dans la simplicité de sa mise en scène et la sincérité de son interprétation, il rappelle que le théâtre, même réduit à deux voix et une lumière, peut encore faire réfléchir, émouvoir et rassembler. La  soirée au TNA, au-delà d’une représentation, fut  un moment de dialogue entre cultures et générations, entre Guinée et Algérie, entre les mots et les silences. Un rappel que le savoir — «juste savoir» — n’est peut-être pas une fin, mais un commencement. Ravis de présenter sur les planches du TNA leur spectacle, les comédiens ont salué l’accueil «chaleureux» qui leur a été réservé, affirmant que cette représentation constitue une expérience «très marquante» dans leur carrière.Présenté, pour la première fois, en Algérie, «Juste savoir» était programmé, hier, à Bejaïa, en clôture du 14e Festival international du théâtre qu’accueille cette ville.

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