RÉSOLUTION DE L’ONU SUR LE SAHARA OCCIDENTAL : Des voix américaines se lèvent contre Trump
La résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée le 31 octobre, renouvelant pour un an le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso), marque un tournant diplomatique majeur dans ce conflit vieux de 50 ans. Si le Maroc y voit une victoire diplomatique, d’autres voix discordantes se font entendre, y compris aux États-Unis, qui y décèlent un dangereux recul pour le principe d’autodétermination du peuple sahraoui.Parmi elles, celle de Christopher Ross, ancien envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental, et les échos historiques du Washington Post, qui rappellent une tradition critique envers les positions unilatérales sur ce dossier. La critique de Ross et du Washington Post illustrent une fracture au sein de l’establishment américain : d’un côté, une diplomatie transactionnelle favorisant le Maroc comme allié stratégique ; de l’autre, une défense des principes onusiens d’autodétermination.
Un recul pour l’autodétermination, selon Ross
Christopher Ross, ancien envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental de 2010 à 2017, n’y va pas par quatre chemins. Dans un article percutant intitulé A Step Back for Western Sahara, publié le 7 novembre 2025 par l’International Centre for Democratic Initiatives (ICDI), il qualifie la résolution de « pas en arrière » pour la résolution du conflit, malgré les affirmations optimistes de ses partisans.Depuis 2007, les résolutions défendaient une « solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, permettant l’autodétermination » des Sahraouis. Cette fois, sous impulsion américaine, le texte élève la proposition marocaine d’autonomie (2007) au rang de « base la plus faisable » (adoucie en « base faisable »), reléguant l’autodétermination – principe fondamental du droit international – au second plan. Ross y voit un choix délibéré des États-Unis, en ligne avec la reconnaissance controversée de la souveraineté marocaine par Trump en 2020.Ce glissement, selon l’ancien diplomate américain, vide progressivement la Minurso de sa substance originelle : le référendum d’autodétermination, prévu depuis 1991, est relégué à un horizon indéfini. Ross pointe du doigt aussi l’absence de mention de la proposition du Front Polisario pour un référendum incluant l’indépendance comme option.Selon Christopher Ross, le Maroc consolide quotidiennement son contrôle de facto par la colonisation (installation de citoyens marocains), l’exploitation des ressources (phosphates, pêche, minerais) et le renforcement des infrastructures et structures administratives.
Le Maroc ne voudra pas de l’autonomie, estime le Washington Post ?
Aux États-Unis, la résolution suscite bien des réserves. Le Washington Post, dans une analyse incisive publiée peu après l’adoption, doute que l’autonomie soit vraiment ce que veut le Maroc. Sous le titre « Sahara occidental : pourquoi l’autonomie n’arrange pas Rabat », le journal américain interroge si cette « avancée diplomatique » ne risque pas de déclencher un effet domino au sein du royaume, en ravivant les revendications autonomistes ou indépendantistes dans d’autres régions, comme le Rif.La publication américaine estime qu’au Rif, berceau du mouvement Hirak de 2016-2017 réprimé violemment par le Makhzen, des velléités indépendantistes persistent, portées par le Parti national rifain (PNR), qui voit dans l’autonomie sahraouie un précédent dangereux. « Si le Maroc accepte de donner l’autonomie à une région contestée, pourquoi pas au Rif ? Nous avons les mêmes revendications : dignité, égalité, contrôle sur nos ressources », déclare un militant rifain exilé au Washington Post. Le journal cite des analystes et diplomates : le plan d’autonomie, « lettre morte » depuis 2007 faute d’élections locales ou de transferts de compétences réels, est bloqué par Rabat lui-même pour éviter un « effet boomerang » au Souss ou ailleurs. Même le Front Polisario qualifie la résolution de « cadeau empoisonné » des États-Unis au Maroc, un piège qui réveille les murmures indépendantistes à Al Hoceima ou Nador : « Si le Sahara obtient l’autonomie, pourquoi pas nous ? »En définitive, Christopher Ross et le Washington Post convergent sur un constat : sans retour ferme à l’autodétermination, le statu quo profitera à l’occupation, au risque d’embraser la région.




