Le secteur des assurances, qui sera doté prochainement d’un nouveau cadre juridique, actuellement en cours d’enrichissement, doit être régi par des règles de bonne gouvernance tout en renforçant l’autorité de contrôle du marché, soulignent des experts en assurances, qui mettent en garde contre certaines pratiques pouvant porter préjudice aux assureurs eux-mêmes et au Trésor public.
Ces spécialistes ont également relevé l’importance de la récente décision du président de la République M. Abdelmadjid Tebboune, de reporter l’examen du projet de loi sur les assurances, pour tenir compte des expériences récentes dans ce domaine afin d’arriver à un texte qui soit aux normes internationales et conforme aux meilleures pratiques en matière de réglementation.
« A mon avis, il faut une amélioration de l’environnement de l’assurance d’une part, et de la gouvernance et du management des compagnies d’assurance, d’autre part », indique à l’APS Mokhtar Naouri, expert et ex P-dg de Cash assurances, qui plaide pour l’introduction de « règles de bonne gouvernance » et pour un « renforcement de l’actuelle autorité de contrôle du marché, qui est la Commission de supervision des assurances, par un nombre suffisant de contrôleurs ayant de fortes compétences en mathématiques et en actuariat ».
Cette instance, a-t-il précisé, « doit à l’instar de ce qui se fait dans le monde, publier un rapport annuel sur le contrôle des compagnies d’assurance en indiquant le nombre, la nature et la durée des contrôles effectués et en relevant les types d’insuffisances relevés, les infractions commises, les amendes et autres sanctions infligées aux compagnies d’assurance ».
Interrogé à propos des orientations du président Tebboune lors d’un récent Conseil des ministres en vue d’accorder la plus grande importance aux services et non à la collecte de fonds par les sociétés d’assurances, M. Naouri a mis l’accent sur l’importance du rôle que doit jouer l’association des assureurs notamment pour communiquer et expliquer les garanties et le fonctionnement du contrat d’assurances.
« L’association des assureurs doit édicter les normes que les assureurs encouragent à respecter en vue d’obtenir des réductions tarifaires. Elle doit organiser régulièrement des campagnes de communication collective et de sensibilisation auprès du public », parallèlement, a-t-il ajouté, au renforcement du contrôle des compagnies d’assurances.
Sensibiliser davantage sur les droits et obligations des assurés
Pour sa part, l’économiste et expert en assurances, Fayçal Fatnassi a souligné que dans un contexte où la numérisation et l’innovation transforment rapidement le paysage des assurances, « il est essentiel » que l’Algérie dispose d’une réglementation moderne et adaptée pour favoriser le développement durable du secteur.
Cela, a-t-il insisté, requiert un équilibre « délicat entre la promotion de la concurrence et la protection des assurés, ainsi qu’une surveillance efficace pour prévenir les abus et garantir la stabilité du secteur ».
Interrogé sur le rôle que doivent jouer les sociétés d’assurances pour l’amélioration du service à la clientèle et pour que cette activité ne soit pas limitée à la collecte des fonds auprès des assurés, M. Fatnassi a préconisé une action plus soutenue des compagnies d’assurances et des associations professionnelles en matière de sensibilisation des consommateurs notamment sur les termes et conditions des polices, ainsi que sur l’importance de l’assurance pour la protection des biens et des personnes.
Il s’agit aussi, selon lui, de la personnalisation des produits et services d’assurances via une meilleure compréhension des besoins de la clientèle, et la transparence des contrats d’assurances, au titre desquels les clients doivent être informés de manière proactive de leurs droits et obligations en tant qu’assurés.
S’exprimant, d’autre part, sur certaines pratiques en cours dans le secteur et qui peuvent se faire au détriment du Trésor public, l’économiste a noté notamment qu’il existe des pratiques qui peuvent porter préjudice non seulement au Trésor mais aussi aux assurés et à l’économie du pays.
« Une gestion inadéquate des réserves techniques des compagnies d’assurances, notamment leur sous-estimation ou leur utilisation à des fins inappropriées, peut mettre en péril la solvabilité de l’entreprise et entraîner des risques pour le Trésor public », relève cet expert qui souligne que les assureurs « doivent gérer de manière prudente ces réserves pour s’assurer qu’ils disposent des fonds nécessaires pour faire face aux réclamations futures ».
Outre le non-respect des obligations réglementaires, y compris celles liées à la solvabilité, les pratiques de dumping (des primes d’assurances anormalement bas) peuvent entraîner à terme des pertes financières importantes et peser, par conséquent, sur le Trésor public, selon les précisions de M. Fatnassi.