Le haïk, vêtement traditionnel longtemps porté par la femme algérienne, demeure un legs vestimentaire séculaire et un symbole de l’identité, de l’élégance, de la pureté, de la décence, et de la résistance de la femme algérienne.
Si son utilisation a régressé ces dernières décennies, le haïk résiste toujours au temps à travers sa manifestation dans certaines villes où de nombreuses femmes âgées continuent de porter avec fierté ce voile, indissociable du trousseau de la mariée dans certaines régions.
Constitué d’une longue étoffe rectangulaire unique de laine ou de soie, de couleur blanche, crème ou noire qui recouvre tout le corps, le haik se décliné sous différents types et noms à travers les différentes régions du pays.
Son apparition en Algérie et dans le Maghreb arabe, remonte au XVIe siècle avec la chute de l’Andalousie et l’arrivée des Andalous en Afrique du Nord, selon des chercheurs, alors que d’autres chercheurs affirment que l’apparition du haïk en Algérie remonte à l’époque ottomane, en s’appuyant sur l’ouvrage « Topographie et histoire générale d’Alger », de l’historien espagnol Diego de Haido (captif à Alger à la fin du XVIe siècle), qui avait évoqué le « haïk » comme un habit féminin algérien.
La conservatrice du patrimoine au Musée national du Bardo, Bakouri Farida, soutient que le haïk, est apparu en Algérie et dans plusieurs villes d’Afrique du Nord, avec l’arrivée de familles andalouses après la chute de Grenade en 1492, avec comme bagages traditions vestimentaires, culinaires et musicales notamment.
Ces traditions, poursuit-elle, se sont progressivement incrustées dans plusieurs villes algériennes, induisant également une transformation dans la culture vestimentaire féminine dans certaines villes, comme Alger, Blida et Tlemcen.
« Les preuves historiques attestent que les femmes en Algérie et en Afrique du Nord avaient des costumes similaires au haïk, avant et pendant la période ottomane, couvrant tout le corps par convenance sociale ou religieuse »
Mme Bakouri explique que le haïk se décline sous différents modèles et formes. M’rama dans le centre du pays (Alger, Blida ..) que les femmes portaient avec « Laâdjar », une voilette qui recouvre le bas du visage, ne laissant apparaître que les yeux. Dans l’est, elles portent « El mlaya » noire, dans l’ouest « El K’sa » et dans le sud « El Melhfa ».
Le chercheur en patrimoine, Lakhdar Chouli, propose, quant à lui, le classement du haïk comme élément du patrimoine national, dans le but de le préserver et le valoriser comme un symbole de l’identité nationale.
Elément de résistance contre le colonialisme
Au-delà de sa valeur vestimentaire et sa portée sociale, le haïk est un élément important de l’identité nationale, et aussi un symbole de la résistance de la femme algérienne contre le colonialisme français.
Drapées dans le haïk pour se faufiler à travers les mailles des paras français, les moudjahidate transportaient des bombes, des armes et de l’argent, alors que leurs compagnons d’armes parmi les hommes, n’hésitaient pas, quant à eux, à le transformer en moyen de « camouflage » le temps d’une opération, pour tromper la vigilance de l’ennemi et exécuter leurs missions.
Le film « La Bataille d’Alger » (1966) du réalisateur italien Gillo Pontecorvo, qui célèbre l’héroïsme du peuple algérien contre le colonialisme français, est l’une des œuvres cinématographiques qui ont immortalisé le haïk.
L’écrivain et psychiatre martiniquais, Frantz Fanon, qui vivait à Blida, a également consacré, dans son célèbre ouvrage « L’an V de la Révolution algérienne » (1959), un chapitre à la symbolique du « haïk » dans le contexte colonial.
Pour Fanon, auteur et grande figure du combat contre le colonialisme, le haïk algérien était un mécanisme de résistance et un élément important de l’identité nationale.