LIBYE:Cinq jours pour former un exécutif transitoire, une procédure non sans risques
Les participants au dialogue inter-libyen, facilité par l’ONU, ont entamé lundi un nouveau cycle de pourparlers qui devront déboucher sur la formation d’un exécutif devant conduire la transition en Libye jusqu’à la tenue des élections prévues en décembre, mais la procédure de sélection n’est pas sans comporter des risques en cas de déconvenue chez l’un des camps, prévient Crisis Group.
Les 75 représentants libyens de tous bords participant au Forum de dialogue politique se sont retrouvés de nouveau à Genève pour se prononcer d’ici le 5 février sur une liste de 45 candidats, dévoilée samedi par la mission de l’ONU en Libye (Manul). Il sera question de choisir un nouveau Premier ministre et un Conseil présidentiel de trois membres. Dans ses tentatives visant à mettre fin à la crise en Libye qui a duré près de dix ans, l’ONU a pu réunir le 13 novembre à Tunis, des pourparlers inter-libyens axés sur la réunification du gouvernement du pays. Ces pourparlers ont débouché sur un accord pour une présidentielle le 24 décembre 2021, mais pas sur le mécanisme de désignation d’un exécutif unifié pour assurer la transition jusqu’au scrutin. Le forum a ensuite tenu plusieurs cycles de pourparlers et a approuvé, le 19 janvier, le mécanisme de sélection de l’autorité exécutive transitoire. Il s’agit d’un arrangement de vote proposé par l’ONU qui combine deux propositions distinctes: un mécanisme régional et un autre basé sur des listes préconstituées. Stéphanie Williams, représentante spéciale par intérim du SG de l’ONU pour la Libye l’a qualifié de « meilleur compromis qui puisse être atteint, car cette proposition respecte la dimension régionale (de la Libye), et encourage les parties libyennes à transcender leurs divisions afin de promouvoir la compréhension et de construire l’unité dans le pays ». Toutefois, Crisisgroup qui citent des politiciens et analystes politiques libyens, estime que « la procédure est semée d’embûches ». Les analystes considèrent que si les délégués d’une région élisent leur représentant au Conseil présidentiel, alors que les autres groupements régionaux ne font pas de même, le processus exigera que le vainqueur de la première région soit le candidat dans toutes les listes présentées dans la deuxième phase de sélection. Les critiques disent que cette règle « contredit l’idée derrière l’approche basée sur des listes, qui consistait à avoir une liste de candidats prêts à travailler ensemble, plutôt qu’un assortiment plus aléatoire de candidats.La contestation, selon eux, « est prévisible dans les différents tours de scrutin, surtout si ceux-ci ne produisent pas le résultat qu’une faction ou l’autre souhaite ».
Forum du dialogue politique libyen: un nouveau cycle de pourparlers à Genève
Selon Crisis Group, l’accord sur un mécanisme de vote « est sans aucun doute un pas en avant dans le processus de paix, tout comme la tentative de redonner aux acteurs politiques libyens des pouvoirs pour l’élection des principaux représentants du pays ». Pourtant, souligne-t-on, l’accent mis par l’ONU sur le procédure ignore une vérité inconfortable. Il se trouve, d’après Crisis Group, que « la plupart des parties prenantes libyennes, ainsi que de nombreux diplomates étrangers, ne sont pas vraiment préoccupés par la manière dont les hauts fonctionnaires seront sélectionnés. Ce sur quoi les délégués se sont vraiment disputés, c’est la question de savoir qui devrait prendre en charge le pays ». « Sur ce point, il est difficile de voir émerger un consensus », avance le Think Tank. Le Crisis Group, argue que tous les indices indiquent « la probabilité que des factions politiques concurrentes puisent dans un éventail de tactiques (…) anticiper ce qu’un groupe ou un autre considère comme un résultat défavorable, comme plusieurs groupes l’ont fait dans le passé ». Les outils disponibles vont de l’exercice d’un effet de levier pour enraciner le statu quo (par exemple, en prenant des rendez-vous de dernière minute ou en incitant à des différends sur le prétendu manque de représentation du forum soutenu par l’ONU) à la mobilisation de groupes armés pour déclencher des hostilités qui arrêteraient les pourparlers, illustre-t-il. « Les pots-de-vin ou autres incitations financières pour les participants au dialogue ou leurs affiliés ne peuvent pas non plus être exclus », a-t-on noté. « Un dialogue politique raté n’est certainement pas ce dont la Libye a besoin, mais il est toujours dangereusement possible », a-t-on fait remarquer par ailleurs.