Technologie

CYBER AFRICANUM EST ! Les enjeux de l’intelligence artificielle et de la cybersécurité en Afrique

Si des écarts, parfois importants, existent entre les différents pays africains, le continent connaît une croissance numérique exponentielle. Quels sont les enjeux qu’il doit désormais affronter ? Franck Kié, commissaire général du Cyber Africa Forum, dresse un état des lieux du numérique en Afrique et identifie les six défis auxquels elle doit répondre pour ne pas rater le tournant de la transformation numérique et de l’intelligence artificielle.Pour cette première note de l’Observatoire de la tech et du numérique, cap sur l’Afrique avec Franck Kié, commissaire général du Cyber Africa Forum, l’un des principaux événements tech du continent, réunissant décideurs privés et publics de premier plan, dont la quatrième édition s’est tenue à Abidjan, en Côte d’Ivoire, les 15 et 16 avril derniers. Franck Kié qui, de Tunis à Prétoria, de Lagos à Addis-Abeba, œuvre depuis des années dans le domaine cyber, dresse ici un rapide panorama du numérique et de l’intelligence artificielle en Afrique. Il évoque surtout les principaux défis auxquels les 54 États africains sont confrontés. Défis qui par ricochet touchent également l’Europe – rappelons que moins d’une quinzaine de kilomètres séparent nos deux continents. Depuis le début du siècle, l’Afrique connaît une croissance numérique exponentielle. Le marché du numérique devrait atteindre plus de 700 milliards de dollars d’ici 20501. Aujourd’hui, près de 40% de la population africaine accèdent à internet même si des écarts, parfois importants, demeurent entre les pays en fonction notamment des conditions d’accès à l’électricité et des questions de connectivité2. On peut noter au passage que le coût de l’internet africain reste élevé par rapport aux pays occidentaux. Ceci posé, cette expansion rapide, ce leapfrog pour reprendre l’image convenue, offre de nombreuses opportunités pour développer nos pays, tout en engendrant des défis significatifs.Ainsi, selon le Programme alimentaire mondial (PAM), ce sont plus de 50 millions de personnes, au Sahel et en Afrique centrale, qui seront confrontées dans les deux mois à venir (correspondant à la période de soudure) à une nouvelle vague d’insécurité alimentaire et nutritionnelle. À l’inverse, on rappellera que, même si le continent semble connaître un certain ralentissement, parmi les 20 économies mondiales les plus dynamiques, la moitié sont africaines.Les lignes qui suivent esquissent un rapide état des lieux du numérique sur le continent pour ensuite présenter six enjeux cruciaux auxquels nos pays doivent répondre si l’on veut éviter de rater les virages de la transformation numérique et de l’IA.

La transformation numérique et l’intégration de l’IA en Afrique : état des lieux

À horizon 2025, donc demain, le numérique devrait contribuer pour 180 milliards de dollars au PIB de notre continent3. Si l’on prend le cas de la Côte d’Ivoire, plutôt bonne élève en la matière, la contribution de l’économie numérique est estimée à 5-6% du PIB en 2025 contre 3% seulement il y a quelques années. Un rapport de la Banque mondiale de 2022 pointe un doublement en termes de contribution à l’horizon 2035 pour dépasser les 10% du PIB4. Le numérique en Côte d’Ivoire – 30 millions d’habitants –, c’est près de 45% de pénétration d’internet parmi la population et déjà plus de 100 000 emplois directs et indirects… C’est aussi un État, un e-gouv qui change, accélère et se transforme via la numérisation pour mieux servir ses habitants et le secteur économique et améliorer la qualité de la gouvernance. En matière de numérisation des services publics, le Togo accélère également. Depuis quelques années, plus d’une cinquantaine de services ont été numérisés, notamment pour le traitement des documents administratifs courants. Ces deux exemples ouest-africains illustrent le fait que les choses bougent et avancent. Le mouvement va-t-il assez vite, au vu des enjeux, dans d’autres pays ? Bonne question. Certains États se contentent encore trop souvent d’effets d’annonce, à l’instar de la République centrafricaine, l’une des nations les plus pauvres du monde, qui, il y a quelque temps, avait déclaré le bitcoin comme monnaie ayant cours légal, avant de faire machine arrière.L’IA peut répondre aux défis qui touchent le continent. Elle offre un potentiel de croissance économique immense. Tous les pays africains sont confrontés à des thématiques de développement communes, au premier rang desquelles on trouve celle de la souveraineté alimentaire via l’émergence d’une agriculture moderne offrant de meilleurs rendements. Le développement d’infrastructures de santé et la volonté de se donner les moyens de mieux traiter les maladies endémiques du continent font bien évidemment partie des priorités. Par ailleurs, en matière d’accès à des informations pour des populations mal alphabétisées, l’IA a un rôle à jouer. Prenons trois exemples. Concernant l’agriculture tout d’abord, des systèmes d’IA peuvent analyser les données météorologiques et celles du sol pour améliorer la gestion des cultures et des ressources, contribuant ainsi à optimiser la production. Un exemple concret en Côte d’Ivoire : Jool International, dont le directeur général est Joseph Biley, est une entreprise spécialisée dans la gestion intelligente des plantations qui utilise des drones pour améliorer les rendements agricoles. Ces drones, programmés grâce à des données collectées localement, permettent aux agriculteurs de fluidifier les interactions tout au long de la chaîne de valeur en connectant les différents acteurs aux planteurs. Dans cette perspective, ils permettent une analyse précise des conditions météorologiques et des besoins des sols, contribuant ainsi à une meilleure gestion et à une augmentation potentielle des ressources.

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