Culture

FESTIVAL NATIONAL DE LA CREATION FEMININE : La force des racines

La villa Boulkine, somptueuse demeure abritant le siège du Grand Musée d’Afrique, s’est transformée, depuis le 18 octobre, en un véritable écrin de la créativité féminine. Accueillant la 10e édition du Festival culturel national de la création féminine, qui rend hommage, cette année, aux arts et savoir-faire du Grand Sud, le cadre et la mise en place des expositions offrent un voyage sensoriel et culturel des plus riches.En parcourant les salles aménagées, nous avons fait une halte devant l’exposition d’arts plastiques réunissant sept artistes de différentes régions du pays. Autour du thème de la femme et du Sud, elles exposent leurs créations, entre photographies et peintures acryliques sur toile. Certaines sont autodidactes, d’autres issues des écoles des Beaux-arts, mais toutes partagent la même passion pour la transmission des racines. Fatiha Ferrah Ouyad, Marwa El Kheir, Meriem Oueni, Nesrine Boulsane, Nour Taieb Ezzraimi, Raouiya Faradji et Selma Bouhired dévoilent des œuvres, qui plongent dans la profondeur africaine de l’Algérie, dans sa culture aux mille nuances, dans la beauté et la vitalité de ses couleurs.Du côté des « Ateliers Vivants », Bnat El Maghra de Timimoun font résonner leurs voix et rythmes envoûtants. Ces femmes perpétuent le genre musical de la Taguerabt, variante féminine de l’Ahellil, accompagnée de percussions en pierre et de derboukas. Leurs chants, en variante amazighe zénète ponctuée de quelques mots d’arabe, célèbrent la foi, la fraternité et la mémoire des ancêtres. La présidente de l’association, Fatma Dahmani, nous a raconté comment ce savoir lui a été transmis. « J’ai d’abord appris de ma mère les chants, quand nous nous asseyions l’après-midi pour accomplir les tâches domestiques. Elle déclamait un vers, et je le répétais. Puis ma tante, qui était cheikha dans ce genre musical, m’a transmis tout son savoir pour que je puisse, à mon tour, interpréter ces louanges en public », confie-t-elle.Les femmes de Bnat El Maghra sont les gardiennes d’un patrimoine musical, mais aussi des artisanes accomplies, fabriquant des bijoux, du khôl, de l’encens et du henné, prolongeant ainsi la tradition du soin et de la beauté héritée de leurs aïeules.

Couleurs, effluves et traditions féminines

De leur côté, les artisanes d’El Menea, membres d’une coopérative locale, perpétuent l’art délicat de la broderie traditionnelle, de la teinture naturelle, du tissage de la laine et du tapis. Oudane Khadra et Chaouche Nedjma sont revenues sur leur engagement dans cette coopérative, qui transforme leur quotidien. « Nous avons appris les gestes, les techniques et surtout la patience. Aujourd’hui, nous pouvons présenter et vendre nos créations. C’est une chance, mais c’est aussi un travail de longue haleine », soulignent-elles.À quelques stands de là, l’odeur subtile du skhab attire les visiteurs. Ce collier emblématique de plusieurs régions dont Boussaâda, composé d’un mélange d’herbes et d’ornements d’argent ou d’or plaqué, agit à la fois comme bijou et comme diffuseur de parfum. Sa créatrice, Salama Sebah, présidente de l’association de Promotion de l’artisanat et des industries culturelles, fondée en 2002, perpétue un savoir ancestral. « C’est un savoir-faire transmis par ma grand-mère. La femme de Boussaâda savait prendre soin d’elle, sa beauté était naturelle, raffinée. Aujourd’hui, nous essayons de retrouver cette authenticité que nous avons parfois oubliée », explique-t-elle. Elle fabrique également du beurre salé de chèvre, utilisé comme cosmétique, et des parfums artisanaux.Le festival accorde aussi une place importante à la réflexion et à la transmission. Lundi dernier, l’écrivaine Adila Katia a présenté le parcours de Saliha Reggad. Dans un échange chargé d’émotion, elle a salué le rôle de celles qui, par leur œuvre et leur engagement, relient les générations dans un élan de sororité et de mémoire partagée.Placé sous le slogan « Femmes du Sud… Une authenticité qui se raconte… et une créativité qui rayonne », le festival se poursuivra jusqu’au 24 octobre, célébrant les talents et la force des femmes qui, du Nord au Sud, tissent le fil d’une Algérie créative et généreuse.

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