COTE D’IVOIRE : À Kanga Nianzé, sur la route de l’esclavage

Peu de lieux de mémoire de l’esclavage et de la traite négrière existent dans le pays. Et ce village, à une centaine de kilomètres au nord d’Abidjan, est le seul officiellement reconnu.À Kanga Nianzé, en Côte d’Ivoire, dans la région de l’Agnéby-Tiassa, un mythe se transmet depuis des générations. Après plusieurs jours ou plusieurs semaines de marche, les captifs faisaient escale dans le village pour un rituel sacré : un bain purificateur dans la rivière Bodo qui guérissait leurs blessures et leur faisait oublier leur vie passée. Leur dernier bain avant d’être acheminés par le fleuve Bandama jusqu’à Cap-Lahou, aujourd’hui appelé Grand-Lahou, où ils étaient livrés à des négriers contre des marchandises.Si cette version est une interprétation de l’histoire qui s’est installée au fil des années, Kanga Nianzé a bien été un lieu de l’esclavage et de la traite négrière transatlantique en Côte d’Ivoire. C’était une étape sur une des pistes du commerce. Tiassalé, située à quelques kilomètres, était un carrefour d’échanges assez important. « Arrivé là, il fallait rendre le produit de traite présentable à l’acheteur. Cela nécessitait un bain, qui avait un caractère purement hygiénique, explique Gildas Bi Kakou, historien chercheur à l’université de Nantes. De plus, rien ne prouve que, lorsqu’on échangeait des esclaves à Tiassalé, la majeure partie du convoi descendait jusqu’à Cap-Lahou. Certains étaient utilisés pour des activités sur place. »
Inauguration en présence de Kablan Duncan, Kouakou Bandaman, Soglo…
Aujourd’hui encore, la rivière Bodo, réputée intarissable, est sacrée pour les habitants de Kanga Nianzé. Pour permettre à quiconque d’y accéder, la chefferie traditionnelle du village doit effectuer des sacrifices. Le village, originellement habité par les Abés, est devenu cosmopolite au fil du temps, abritant différentes ethnies ivoiriennes ou venues de pays voisins. Ce passé continue de le marquer, jusque dans son appellation, qui est devenue en langue locale Kanga, « esclave », et Nianzé, « vase » : un récipient qui sert à laver les esclaves.En Côte d’Ivoire, c’est le premier lieu de mémoire de l’esclavage officiellement reconnu dans le pays. Répertorié dans le cadre du projet « Les routes des personnes mises en esclavage : résistance, liberté et héritage » – qui recense depuis 1994 les lieux historiques de passage des esclaves dans divers pays africains –, lancé par l’Unesco, une stèle y a été inaugurée en juillet 2017.