A travers leur engagement exceptionnel, les commerçants algériens se sont affirmés comme des acteurs essentiels de la glorieuse Révolution, transformant leurs magasins en véritables bastions de résistance où, avec un esprit indomptable, ils ont défié l’oppression coloniale et contribué de manière décisive à la pérennité et à la réussite du combat pour la liberté.
Dès les premiers jours de la Révolution, ces commerçants ont choisi de s’engager pleinement dans le combat pour la libération nationale, incarnant l’unité du peuple et la solidarité de toutes ses couches sociales dans une lutte commune contre un colonisateur déterminé à déposséder les Algériens de leur terre et de leur identité. Chaque magasin devenait ainsi un fort, où, derrière des façades modestes, se sont écrits des récits de courage, de dévouement et de sacrifice.
Les commerçants ont joué un rôle déterminant dans la pérennité de la Révolution en assurant un financement régulier. Selon de nombreux historiens, ils consacraient une part importante de leurs bénéfices à l’acquisition d’armes et à l’approvisionnement des moudjahidine.
Lorsque les leaders de la Révolution, à la suite de son déclenchement le 1er novembre 1954, ont appelé les Algériens à faire des dons financiers, les commerçants ont été parmi les plus engagés à contribuer, leur mobilisation reflétant parfaitement la célèbre citation de Larbi Ben M’hidi : « Jetez la Révolution dans la rue, et le peuple l’embrassera ».
Leurs boutiques se sont également muées en centres de communication clandestins. Elles servaient à transmettre des informations et des messages aux moudjahidine, à stocker des armes, des vivres, et des vêtements, éléments essentiels à la survie des combattants dans des conditions de guerre particulièrement difficiles.
D’après les études relatives à l’approvisionnement en armement durant la Révolution, les commerçants ont également joué un rôle clé dans l’approvisionnement en matières premières nécessaires à la fabrication d’explosifs, telles que les fils de coton explosifs, le sel de mercure et le plastique.
De plus, les commerçants algériens ont mis à profit leurs réseaux relationnels pour établir des chaînes d’approvisionnement transfrontalières efficaces, transformant les marchés des wilayas frontalières telles que Souk Ahras, Tébessa et Tlemcen en artères vitales pour alimenter la Révolution en armes et en matériel.
En sus de leur soutien financier et logistique, les grèves commerciales ont joué un rôle décisif en exerçant une pression économique sur l’occupant, tout en exprimant un soutien inébranlable au Front de libération nationale et en sensibilisant l’opinion publique à la cause nationale.
Parmi ces grèves, figure celle organisée par les commerçants de Tlemcen, le 2 avril 1956, en solidarité avec leurs confrères victimes de répressions pour leur engagement dans le mouvement national.
Deux jours après la grève des commerçants de Tlemcen, la ville de Constantine a connu une grève en protestation contre les campagnes de terreur et d’extorsion menées par les autorités coloniales.
La capitale, Alger, n’a pas été en reste. Le 10 avril de la même année, les commerçants de la Casbah ont fermé leurs commerces après trois jours de deuil consécutifs à l’assassinat d’un jeune commerçant par les forces coloniales.
Le 9 mai de cette même année, plusieurs grèves ont été organisées à Béjaïa et à Batna pour dénoncer la mise en place du couvre-feu. Le 22 juin, la ville d’Oran a connu une fermeture générale des magasins des commerçants algériens, coïncidant avec la grève des dockers, qui protestaient contre l’assassinat de deux artisans à Alger.
Ces grèves s’ajoutent à une série d’actions de protestation qui ont culminé entre 1956 et 1960, exprimant le rejet catégorique des commerçants de contribuer aux impôts perçus par l’administration coloniale, destinés à financer ses efforts militaires contre la Révolution, et dénonçant les politiques de spoliation des terres et des biens, ainsi que les mesures d’exclusion des Algériens au profit des colons européens.
Parmi ces actions, la grève de huit jours (du 28 janvier au 4 février 1957) demeure l’une des plus emblématiques, illustrant l’unité des commerçants et du peuple algérien derrière le Front de libération nationale.
Cette grève a permis de démontrer l’unité du peuple algérien et d’envoyer un message fort au monde, exprimant de manière indiscutable le rejet de la colonisation, ce qui a eu un impact majeur pour internationaliser la cause nationale et attirer l’attention des médias internationaux.
Cependant, la participation des commerçants à la Révolution n’a pas été sans conséquences. Face à ce soutien indéfectible, les commerçants ont été confrontés à de graves représailles : saisies de biens, emprisonnements et exécutions sommaires.
Pourtant, ces menaces n’ont pas entamé leur détermination car, pour eux, soutenir la lutte était un devoir national absolu.
La contribution des commerçants algériens à la Révolution constitue une page glorieuse de l’histoire du pays, qui illustre comment l’ensemble du peuple s’est uni derrière la bannière de la liberté, chacun jouant son rôle dans une lutte multiforme où chaque geste comptait. Cette mobilisation exemplaire rappelle que l’indépendance ne se gagne pas uniquement par les armes, mais aussi par les sacrifices quotidiens et la solidarité d’un peuple résolu à reconquérir sa dignité.