Événement

Larbi Ben M’hidi (1923-1957) : «Mettez la révolution dans la rue, vous la verrez reprise par tout un peuple»

L’offensive du 20 août 1955 dans le Nord-Constantinois et la tenue, le 20 août 1956, du Congrès historique de la Soummam sont deux stations charnières dans l’histoire de la lutte de Libération nationale ; deux évènements majeurs qui imprimèrent un élan irréversible à la marche du peule algérien vers l’indépendance.

Alors que le FLN remporta une victoire diplomatique sur la scène internationale en participant à la Conférence de Bandung en avril 1955, l’ALN passa à l’offensive dans le Nord-Constantinois au printemps de la même année.
Le plan insurrectionnel de Zighoud Youcef était simple. Il consistait à lancer des offensives, et de les généraliser dans l’ensemble de la zone II. Les cibles des attaques étaient des objectifs militaires et administratifs (postes militaires, gendarmerie, mairies…).
Ils étaient des symboles de la domination coloniale que l’insurrection populaire devait détruire.
Les autorités françaises et les colons répondirent par une répression implacable et aveugle digne de celle qui avait été mise en œuvre en mai 1945. Une totale liberté d’action fut donnée à l’armée pour réprimer.
Commandant de l’ensemble de l’Algérie, le général Lorillot «prescrit» au général commandant la division de Constantine «de donner ordre aux cadres et troupes de conduire avec rigueur les opérations».
Des villages entiers et des centres de plus grande importance, comme El Arrouche ou Oued Zenati, furent désertés. Des mechtas furent détruites. D’humbles habitations furent brûlées et le bétail massacré. Les colons furent pris par une volonté de vengeance.
A Skikda (ex-Philippeville), ils se lancèrent dans la chasse à l’«Arabe». Le maire de la ville, Benquet Crevaux, se vanta d’avoir tiré depuis son balcon sur tous les Algériens qu’il voyait.
Un massacre est commis dans le stade de la ville qui fut transformé en véritable camp. La majorité des Algériens arrêtés fut tuée puis enterrée dans une fosse commune. Toutes les mitraillettes et les mitrailleuses étaient alignées devant la foule de prisonniers. Il y en avait tellement qu’il a fallu les enterrer au bulldozer.
Près de 12.000 martyrs algériens sans défense sont passés, sans état d’âme, au fil de l’épée. Cette répression sauvage rendait le processus révolutionnaire irréversible. C’était le terrible prix à payer pour la libération de l’Algérie.
L’insurrection du 20 août 1955 répondait pleinement au principal objectif fixé par Zighoud Youcef : donner à la Révolution algérienne une assise populaire.
Au niveau international, elle eut un écho considérable. Le 30 septembre 1955, la question algérienne fut pour la première fois inscrite à l’ordre du jour de l’ONU, comme étant une question de décolonisation et non une affaire interne, telle que présentée à l’époque par la France.

Un congrès rassembleur

Évènement capital, le Congrès de la Soummam, tenu, le 20 août 1956, à Ifri Ouzellaguen, en Kabylie, par les participants qu’il a réunis, les textes rédigés, les décisions prises et dans ses portées politiques et institutionnelles, nationales et internationales –des réponses neuves, audacieuses et adaptées aux exigences du contexte de l’heure et du long terme— fut un évènement majeur dans l’histoire de notre lutte de libération.
Abane Ramdane, principal maître d’œuvre de ce congrès, avec Larbi Ben M’hidi, a su regrouper et unir au sein du Front, l’ensemble des courants politiques algériens.
Rassembler, unifier, renforcer et mobiliser. Telle était sa stratégie qui consistait à faire du seul FLN, l’unique guide et représentant du peuple algérien. C’est une dynamique d’union nationale renforcée par l’adhésion des membres du Comité central du PPA-MTLD et de leurs partisans, de l’Association des Oulémas, de l’UDMA de Ferhat Abbas et des éléments du PCA à partir de juillet 1956. La voie révolutionnaire était ouverte à toutes les forces nationales et aux forces anticolonialistes.
C’est sans doute cette insistance sur la nécessité de s’unir et de converger les efforts de lutte sur un objectif primordial que ce congrès- programme va devenir la pierre angulaire de l’Algérie combattante.
Parmi les décisions les plus emblématiques, on cite l’institution d’un Comité de Coordination et d’Exécution (CCE), le premier gouvernement de l’histoire de la Révolution, et d’un Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA), instance suprême, premier parlement représentatif des principaux courants rangés sous la direction du FLN. Il y a également la structuration de l’ALN, sur la base d’un nouveau découpage territorial, de mécanismes de fonctionnement et de procédures d’avancement et de discipline qui firent des hommes en armes une armée nationale organisée et hiérarchisée, enrichissant les traditions militaires de l’Algérie historique.
Le FLN créa les six wilayas, plus la zone autonome d’Alger, des commandements et des conseils, désigna des chefs et des commissaires, et lança de nouvelles formes d’organisation de la résistance dans la campagne mais aussi dans les agglomérations urbaines.
Sous l’impulsion d’Abane Ramdane, secondé par Larbi Ben M’hidi et leurs compagnons, il eut fallu aussi la structuration d’un pouvoir collégial décisionnel, sur le plan politique et militaire, l’adoption de l’hymne national et la mise en branle d’une information destinée à l’intérieur du territoire et à l’international pour défendre les buts que s’est assignés la Révolution, la riposte efficace contre la propagande coloniale.
Le défunt Hocine Aït Ahmed, absent au Congrès, en a signifié, avec beaucoup de lucidité, l’apport positif, l’élan irréversible qu’il insuffla à la lutte de libération en faisant le lien entre le 20 Août 1956 et le 1er Novembre 1954, qu’il qualifia d’inséparable.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Bouton retour en haut de la page
Fermer
Fermer