APRÈS LE SUCCÈS DE SON ARMÉE AU MOZAMBIQUE : Le Rwanda attend des retombées économiques
Des sociétés affiliées à la puissante holding Crystal Ventures, bras financier du parti au pouvoir à Kigali, sont déjà implantées dans le pays. Leur arrivée dans la province de Cabo Delgado, théâtre du plus grand projet industriel en Afrique et d’une insurrection djihadiste, a été déterminante. Déployés en juillet 2021 dans le nord du Mozambique alors que les insurgés liés à l’Etat islamique (EI) avaient investi le district de Palma, proche du futur site gazier de TotalEnergies, et le port stratégique de Mocimboa da Praia, les soldats rwandais sont parvenus en quelques semaines à sécuriser en partie la province. La compagnie française, qui avait dû suspendre ses activités en raison des menaces, serait désormais sur le point de reprendre ses travaux. Trois mois après le début de la contre-offensive, Paul Kagame était venu au Mozambique pour féliciter ses troupes. « Nous avons montré ce que nous sommes capables de faire avec des ressources limitées, avait déclaré le 24 septembre 2021 le président rwandais. Les rebelles sont prévenus, nous ne les laisserons pas revenir menacer les vies des Mozambicains. » Cette intervention de 3 000 soldats et policiers a été partiellement financée par l’Union européenne (UE) au titre de la Facilité européenne pour la paix, un mécanisme permettant de « soutenir des partenaires dans les domaines de la défense afin de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité internationale ». Les militaires rwandais ont ainsi bénéficié d’une mesure d’assistance d’un montant de 20 millions d’euros, destinée notamment au transport de leurs troupes et à l’achat de matériel (tentes, véhicules, générateurs…).
« Disciplinés » et « efficaces »
Pour défendre les intérêts de TotalEnergies au Cabo Delgado, la France a-t-elle encouragé ce déploiement armé ? Selon ARIA, une structure à but non lucratif dévolue à la recherche sur des sujets liés au climat et à l’énergie, la chronologie des rencontres entre Paul Kagame, son homologue mozambicain, Filipe Nyusi, et Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergies, le laisse supposer. « La France a été favorable à un accord entre le Rwanda et le Mozambique », relate Benjamin Augé, auteur de l’étude « Mozambique : les défis sécuritaires, politiques et géopolitiques du boom gazier » pour l’Institut français des relations internationales (IFRI) : « La volonté de Filipe Nyusi était aussi de limiter le rôle des armées de la SADC [Communauté de développement d’Afrique australe, dont des soldats sont aussi déployés dans la région] afin de réduire leur influence. Sur ce terrain très particulier, il avait aussi des doutes sur leurs capacités. » Le 20 octobre 2022, une note de l’UE relative à l’intervention rwandaise au Cabo Delgado précisait que celle-ci pouvait permettre « la protection d’intérêts politiques, sécuritaires et économiques ». « Ces mesures d’assistance ont pour but de consolider la paix et de lutter contre le terrorisme en Afrique et ailleurs, explique Nabila Massrali, porte-parole du Service européen pour l’action extérieure, l’organe diplomatique de l’UE. Lorsqu’en décembre 2022, le Conseil européen a annoncé son soutien au déploiement de l’armée rwandaise au Mozambique, il a annoncé d’autres mesures en faveur des forces armées mauritaniennes [12 millions d’euros], géorgiennes [20 millions], libanaises [6 millions] et bosniennes [10 millions]. Il y a toujours un suivi très précis qui permet de contrôler si les fonds sont utilisés comme prévu initialement. Concernant le Rwanda, il s’agit du maintien de la stabilité au Cabo Delgado. »